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texte |
john ricciardi art | patrick rocard traduction | michelle tran van khai musique | alastair stout ![]() |
Il n’eut pas plus tôt eu raison
de sa propre mobilité qu’il vit un œuf à l’aspect parcheminé à l’endroit
où auraient dû normalement se trouver les circonvolutions de ses intestins.
Des formes pâles à peine visibles à travers la coquille imprimaient à
cet œuf les mouvements de la vie, le faisaient bondir et rebondir entre
son thorax et son pelvis, chacune de ces secousses déclenchant quelque
catastrophe qui s’abattait sur des créatures lointaines. C’tait là une
solution inacceptable, d’une cruauté gratuite. Il était impensable que
la vertu exigeât le sang de foules si nombreuses afin simplement qu’un
seul être ne pût se soustraire au châtiment. Il parvint à force de contorsions à quitter sa couche. Ses membres se brisèrent net tels les carapaces vides de toute substance d’insectes morts dans un trou creusé pour l’hiver. L’œuf, qui était tombé, se fendit, laissant s’échapper des démons qui y avaient germé. Ceux-ci s’empressèrent de dévorer ce qui restait du corps de l’homme. Ce dernier osait encore espérer que les choses allaient s’arrêter là, une fois ce cadavre desséché englouti morceau après morceau. Mais les ténèbres persistèrent alors même que tout le reste avait disparu, et projetèrent la conscience que l’homme avait d’exister dans un néant de couleur ocre grisâtre. Lorsque la mémoire vint colorer le vide, donnant à la nuée un soupçon d’identité, l’homme se retrouva soudain dans son lit de torture ; il avait de nouveau les extrémités enfouies, invisibles, et de nouveau aussi l’œuf avait pris la place de ses viscères. Mais ce supplice avait cessé d’être terrifiant. L’homme comprit alors qu’il pourrait repasser par le nœud coulant, qu’il pourrait, lui, y introduire mille et une fois la tête plutôt que de se désintéresser de la situation, plutôt que de se faire une seconde fois complice du désespoir en laissant pendre un autre homme.
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