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texte
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John Ricciardi art
| Patrick Rocard
musique | Jason Lai traduction
| Bernard Hoepffner
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Voici qu’arrive M. Araignée,
démarche ondulante au bout d’un seul fil, portant avec élégance
guêtres et haut-de-forme. Son dos brille d’un noir nacré. Il est
vêtu pour la gloire d’un foulard de soie, résolu à faire impression,
à flatter et à caresser un peu quelqu’un. Vers quel badinage se
dirige-t-il ainsi? Nous voyons luire le pommeau de sa canne, resplendir
les boucles de ses chaussures vernies, et une étincelle là où il
disparaît dans l’ombre du soir. Et voilà que la gravure de mode
n’est plus là. Ah, voici du nouveau: trois grillons éméchés qui
titubent sous un appentis ambulant. Rots, stridulations et fragments
de chansons sentimentales suintent du trio dissolu. Ils sont les
premiers rebuts d’une soirée sauvage. L’un d’eux fait halte pour
se débarrasser d’un trop plein de boisson, provoquant des ricanements
et des renvois chez les autres. Voici que revient M. Araignée. Mlle
Coccinelle orne son bras. Elle est drapée dans le plus court, le
plus fin des tissus diaphanes à pois. Son boa iridescent enlace
autant son cavalier qu’elle-même. Les grillons leur lancent des
plaisanteries. Ils trouvent très drôle la précipitation évidente
du couple. Voilà que le couple s’élève sur une libellule grand sport.
Pour leur rendez-vous, il leur fallait ce qu’il y a de plus chic.
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Une ombre tournoie
dans l’air, virevolte et tombe. Les grillons cessent leurs sarcasmes,
stoppent brutalement de rire comme des fous et de ricaner. C’est
la brune Mme Araignée, grosse et colérique, avec un détestable tempérament.
Elle suit son mari, ce goujat. Leurs araignettes les attendent dans
leur nid. Il peut bien disparaître, elle retrouvera sa trace comme
en dévidant un écheveau. Elle s’installe sur un tandem de scarabées
maladroits et se dirige vers le bruit des festivités. Les trois
fêtards désœuvrés respirent plus librement, gloussent et donnent
des coups sur les flancs velus d’une chenille titubante.
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Une ombre tournoie dans l’air, virevolte
et tombe. Les grillons cessent leurs sarcasmes, stoppent brutalement
de rire comme des fous et de ricaner. C’est la brune Mme Araignée,
grosse et colérique, avec un détestable tempérament. Elle suit son
mari, ce goujat. Leurs araignettes les attendent dans leur nid.
Il peut bien disparaître, elle retrouvera sa trace comme en dévidant
un écheveau. Elle s’installe sur un tandem de scarabées maladroits
et se dirige vers le bruit des festivités. Les trois fêtards désœuvrés
respirent plus librement, gloussent et donnent des coups sur les
flancs velus d’une chenille titubante.
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M. Araignée réapparaît, légèrement décoiffé
et vraiment très content de lui. Toutes ses chaussures n’ont pas
été lacées. Mme Araignée se jette sur lui. Mécréant! Dépravé!
Elle jure qu’il devra justifier chacune de ses activités de cette
nuit-là s’il ne veut pas être mis au pilori. Le fielleux M. Araignée
montre l’intérieur vide de son chapeau et répète, en bé-bégayant,
qu’il est allé chasser des mouches pour le petit déjeuner, mais
qu’il n’a rien trouvé. Mme Araignée l’emmène de force. Étant donné
ses antécédents, il aura droit à des remontrances au petit déjeuner,
à des critiques plus tard, et on ne le verra pas pendant des jours.
Et quoi encore, des mouches!
Ces créatures, les invitées absentes,
avaient pensé que le désordre aviné aurait distrait les autres
et qu’elles pourraient ainsi organiser leur propre réunion, en
toute tranquillité. Tandis que les autres s’excitaient et voletaient
à la fête, les mouches s’étaient groupées en un radeau d’ailes
mouvant vert-noir, rassemblant leurs yeux à facettes afin de résoudre
des problèmes internes. Elles formaient une communauté frugale
et parcimonieuse qui observait avec désapprobation le laisser-aller
tapageur et évitait les spectacles impudiques que les autres appréciaient.
Les mouches avaient fait le point, avaient désigné des responsables
et décidé du moment où elles se retrouveraient. La date serait
fixée de sorte qu’elle coïnciderait avec le prochain bal des insectes,
qui commencerait comme d’habitude dans la joie et finirait mal,
ce qui était bien fait pour les autres. Les mouches, pendant ce
temps, s’occuperaient de leurs affaires.
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