texte | John Riccardi

art | Gérard Sarrouy 

musique | Jason Lai

traduction | Bernard Hoepffner


Le souffle court, le sang courant dans ses veines, un adolescent trop grand suivait autant qu’il le pouvait les mouvements gracieux d’une femme légèrement plus âgée que lui. Elle le conduisait à pas de chat vers sa maison. La femme s’était mariée très jeune par caprice et, assez critique, avait rapidement rompu. Pour parvenir à ce stade, le garçon haletant qui la suivait s’était acharné pendant des mois en la suppliant avec un sérieux mêlé d’un peu d’humour. Leur différence d’âge était bien plus importante que les années qui les séparaient. Elle prétendait qu’il n’aurait aucune idée de ce qu’il ferait, il l’assurait qu’un jeune talent réserve les meilleures surprises. L’humour, plus que toute autre chose, lui avait fait mettre sa main dans la sienne.

Lorsqu’il tendit sa main libre vers le bouton de la porte pour la refermer derrière eux, il sentit ses doigts pris dans une poigne rugueuse. Une patte simienne serrait sa paume là où aurait dû se trouver le bouton. Une grimace aux dents jaunes apparut sur la porte. Il retira sa main, tourna le dos aux yeux protubérants, aux oreilles proéminentes et velues. À présent, au summum de sa bonne fortune, il ne se laisserait distraire par rien.


Elle le laissa dans un canapé en cuir tandis qu’elle allait préparer deux verres. Une gueule de lion bâillait dans la cheminée. Quand elle revint et s’assit près de lui il se pencha pour l’embrasser. Elle gémit un peu sous la pression, le calma et entreprit l’exploration de ses sens. Il se sentait déjà épuisé. Les baisers de la femme étaient divins. Leurs bras s’alanguirent en une étreinte. Le dos lisse du canapé ondulait tout seul. Des oreilles d’hippopotame apparurent entre les coussins. Les hanches du couple s’emboîtèrent et se verrouillèrent; ils trouvèrent rapidement un rythme partagé, charnel.

La femme se déshabilla, glissa ses mains le long du dos du garçon. Elle lui demanda en chuchotant d’éteindre. L’interrupteur sous l’abat-jour pendait près du long cou d’une tête de flamand. Il saisit le bec d’une main et pressa le bouton de l’autre. Il sentit un pincement quand il lâcha. Il se dirigea vers le sofa tandis que les plis d’une oreille d’éléphant obturaient la fenêtre.


Gerrard Sarrouy | No Comment

 

 


Le couple s’enfonça dans l’arche et dans les replis de l’amour. Le sofa se cabrait et retombait sous eux. Des cendriers volaient comme des perroquets; les rideaux se tordirent comme des serpents en torsades vipérines; et la trompe de l’éléphant se dressa pour barrir quand le garçon atteignit l’orgasme. Trop rapidement pour la femme, il se laissa aller. Elle s’assit, le repoussa et croisa les bras pour marquer sa désapprobation.

"Je te l’ai dit, tu ne sais pas ce que tu fais." Il se redressa pour s’agenouiller sur le sofa-hippopotame, écarta largement les bras, rejeta la tête en arrière et exulta en faisant jouer les muscles de sa poitrine. Puis il baissa le regard sur son sexe mou, rougit et se mit à rire. Elle ne put s’empêcher de se joindre à lui, puis le ramena vers elle. À son âge, rien ne restait inerte bien longtemps.

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