![]() | ![]() | ![]() |
![]() ![]() |
![]() |
La
sève fraîche circule avec sérénité chez les plantes sédentaires. Le royaume
du végétal mène depuis toujours une lutte héroïque pour garder le droit
d'exister, résistant pied à pied et livrant des combats désespérés sous
des rafales d'armes chimiques. Les prédateurs sont repoussés, ou bien
supportés, tandis qu'une subtile guerre d'usure lentement les déstabilise,
si bien que cette turgescente ténacité dont font preuve les plantes leur
a valu la réputation de combattants stoïques. II y eut un été, cependant, où une invasion particulièrement dévastatrice de charançons menaça de durer. Martyrs d’une voracité sans bornes, les pauvres victimes furent mâchées et remâchées au point d'en perdre le goût de la vie. C'est alors qu'une fleur parmi elles décida, dans son affliction, d'en finir avec cette torture et de détourner ses pétales de la face du soleil. Elle choisissait cette grève de la faim solaire comme dernier recours, ne pouvant plus supporter ces bruits de mandibules qui broyaient, brisaient et brassaient sans cesse.
|
texte|
John Ricciardi
|
art | Patrick Rocard |
Les insectes auraient peut-être fini par percer le mystère si un vol d'authentiques perroquets n'était pas venu voir ce qui avait bien pu attirer ainsi leurs congénères. Nos volatiles se régalèrent donc des charançons égarés, prenant un plaisir certain à jouer à cache-cache avec eux entre les tiges de leurs pseudo-cousins herbacés. Tout près de là, vivaient les membres d’une tribu pour qui les plumes de perroquet étaient un ornement sacré qu'ils utilisaient dans leur cérémonies. Lorsque leur parvint la nouvelle de cet étrange mariage entre l'aile et la corolle, ils furent dans tous leurs états. Le soir même, à la faveur de la lune, et une fois exécutées les danses destinées à apaiser d'éventuels mauvais génies, ils se glissèrent hors du camp afin d'aller décapiter toutes les fleurs et récolter le miraculeux feuillage dont ils feraient des guirlandes pour leurs autels.
|